Le jeûne pour affamer le cancer : un mythe ou une réalité ?

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Combattre le cancer est un véritable défi. Et si l’arsenal thérapeutique dont on dispose actuellement donne de bons résultats contre certaines formes de la maladie, il reste impuissant face à d’autres. Nombre de patients désireux d’être actifs dans leur guérison sollicitent les professionnels des services d’oncologie pour mettre en pratique des approches alternatives complémentaires pour améliorer leurs chances de survie et atténuer les effets indésirables des traitements de chimiothérapie. Parmi elles, l’adoption d’un régime alimentaire restrictif.

Depuis une dizaine d’années, la pratique du jeûne ou de régimes restrictifs fait l’objet d’un intérêt croissant auprès du grand public mais aussi, plus particulièrement, chez les patients atteints de cancers.

Les objectifs visés par les personnes qui pratiquent ces régimes peuvent aussi être très différents : s’agit-il de prévenir le risque de cancer ? D’optimiser les effets des traitements ? De réduire leurs effets secondaires ?

Lors d’un cancer, quelles sont les modifications biologiques qui découlent du jeûne ?

Les bénéfices du jeûne contre le cancer reposent sur un phénomène particulier : les cellules saines et les cellules cancéreuses ne réagissent pas de la même manière à la raréfaction des nutriments.

Les cellules saines ont besoin de facteurs de croissance comme l’IGF-1 ou l’hormone de croissance (GH) pour se développer et se diviser. Lorsque leur taux diminue en cas de jeûne, elles cessent de croître pour se recentrer sur les fonctions de base qui assurent leur survie.

La baisse du taux de glucose sanguin conduit par exemple à l’activation des mécanismes de réponse au stress et la diminution du taux d’IGF-1 stimule la production d’enzymes antioxydants aux effets protecteurs.

Les cellules cancéreuses sont au contraire totalement insensibles à ces signaux extérieurs, car les mutations qui les ont transformées en cellules cancéreuses les rendent incapables de percevoir ces changements et d’adapter leur fonctionnement à cette situation extrême. Ainsi aveuglées, elles continuent à se diviser de manière effrénée, incapables de réagir au stress liés à la privation de nourriture. Les niveaux de stress oxydatifs augmentent alors au sein de la cellule cancéreuse, son ADN est endommagé et cela peut conduire à sa mort, surtout si une chimiothérapie vient s’ajouter.

Et donc le jeûne protège sélectivement les cellules normales contre les oxydants et certains agents chimio-thérapeutiques et sensibilise les cellules cancéreuses

Que sait-on réellement des bienfaits d’une restriction alimentaire sur la prévention du cancer ainsi que sur l’efficacité de la chimiothérapie ou sur l’atténuation des effets secondaires ? 

Affamer les cellules cancéreuses par le jeûne est un concept qui a le vent en poupe dans la population occidentale. Mais côté scientifique, le scepticisme est de mise. Le chercheur et entrepreneur Valter Longo, un des ambassadeurs de cette méthode, est à l’origine de multiples travaux sur le sujet depuis les années 1990. Il avait alors constaté que des levures moins nourries pouvaient multiplier par dix leur durée de vie et développent moins de cancers.

Chez les souris atteintes de cancer, les résultats sont spectaculaires : le jeûne diminue les effets secondaires de la chimiothérapie et la rend beaucoup plus efficaces, sensibilisant les cellules cancéreuses au traitement. Le principe : en jeûnant, on ne nourrit pas les cellules tumorales, qui ont des besoins nutritionnels importants et se multiplient plus rapidement que les cellules normales.

Cependant, chez l’homme, il n’existe pas de preuve scientifique avérée sur le bénéfice du jeûne ou des régimes restrictifs ni en prévention ni pendant la maladie. Depuis, un rapport de l’Institut National Français du Cancer (INCa) de 2017 a recensé 224 publications scientifiques pertinentes sur l’efficacité du jeûne dans le cancer, dont 200 portent sur l’animal. Les 24 études restantes, sur l’humain cette fois, ont montré des résultats favorables mais avec « des incohérences et imprécisions avec un effectif ou de qualité insuffisante.

Quelles sont les limites à la pratique du jeûne chez les patients atteints de cancer ?

La dénutrition, le vrai danger pour les patients atteints de cancer :

La maladie cancéreuse et les traitements anticancéreux sont souvent à l’origine d’une dénutrition caractérisée par une perte de poids et de muscle. La dénutrition touche 40 % des patients. Elle peut entraîner une dégradation de l’état général et de la qualité de vie, un risque de complications postopératoires et une durée d’hospitalisation plus longue ; elle peut aussi gêner, voire empêcher, les traitements: la perte de masse musculaire diminue la tolérance des traitements de chimiothérapie, ce qui oblige à réduire les doses. Pour un même cancer au même stade, un patient dénutri a un risque de mortalité plus important qu’un patient non dénutri.

Les personnes ayant déjà subi une perte de poids sévère, ceux qui souffrent de sarcopénie avancée, de cachexie ou de malnutrition importante induite par une anorexie médicamenteuse ou de multiples foyers lésionnels dans les voies digestives devraient s’abstenir d’entreprendre une telle démarche.

Ramadan et cancer :

Si le Ramadan fait partie des cinq piliers de l’Islam, durant lequel les adultes et les enfants ayant atteints la puberté, ne doivent pas manger ni boire de l’aube au coucher de soleil, certaines catégories de croyants peuvent être dispensées d’observer la période de jeûne, dont les patients sous traitement anticancéreux, notamment ceux sous  chimiothérapie ou radiothérapie qui nécessitent une bonne hydratation et un apport nutritionnel suffisant pour éviter la dénutrition. En revanche, les malades sous traitements hormonaux ou ceux qui sont à 6 mois ou plus de la fin de la chimiothérapie avec un bon état général, eux, sont autorisés à jeûner après concertation avec leur médecin traitant.

Conclusion

 En tant qu’intervention non pharmacologique pour améliorer la santé et augmenter la qualité de vie, le jeûne et la restriction calorique représentent un tremplin encourageant pour développer de futures stratégies dans  la prévention et le traitement du cancer. Bien que le jeûne et la restriction calorique soient des interventions prometteuses pour une grande variété de tumeurs, , il est totalement abusif de certifier que le jeûne peut guérir le cancer et il y’ a toujours un besoin impérieux de dialogue et d’accompagnement des patients qui souhaitent suivre un régime restrictif ou jeûner avec un suivi nutritionnel tout au long de la prise en charge, pour s’assurer de la bonne « santé métabolique » des patients.

 

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Interview avec le Pr. Fadila Kouhen

Professeur Agrégé en Radiothérapie à l’Université Mohammed VI des Sciences et de la Santé

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