Interview avec Dr. Saad CHAACHO Directeur de la Société Marocaine de Télémédecine
« 80% des consultations à distance suffisent pour poser un diagnostic et traiter le patient »
- Premièrement, pouvez-vous nous expliquer le concept de la télémédecine ?
La télémédecine peut être définie comme étant le moyen technologique offert aujourd’hui pour pouvoir pratiquer la médecine à distance en utilisant les nouvelles technologies, notamment pour le cas des patients qui se trouvent dans des sites enclavés.
- Pouvez-vous nous présenter brièvement le Programme National de Télémédecine ?
Suite à une étude réalisée par l’UM6SS, il a été démontré que le Maroc compte plus de 160 communes à enclavement sanitaire dont 123 en situation d’enclavement critique. C’est à ce moment-là que la Société Marocaine de Télémédecine (SMT) a été créée, sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Il s’agit d’une association qui regroupe en son sein les différents acteurs impliqués dans le secteur de la santé au Maroc notamment dans le domaine de la télémédecine dont l’Université Mohammed VI des Sciences et de la Santé. Sa mission consiste à mettre en place une plateforme technologique afin de pouvoir assurer les téléconsultations et c’est notre université, moyennant son corps professoral et ses médecins dument formé aux pratiques de la téléconsultation, qui assure les consultations à distance. L’objectif de ce programme est de couvrir à horizon 2025 la totalité de ces 123 communes.
- Comment se déroule une consultation médicale à distance ?
Nous avons au sein de notre université une coordinatrice qui fait le lien entre les médecins et les relais sur place qui sont les infirmiers. Le patient se présente à l’un des dispensaires et centres de santé relevant du ministère de la santé, il est par la suite pris en charge par l’infirmier sur place qui procède tout d’abord à son installation devant le chariot de télémédecine mis à sa disposition, puis à la prise de ses constantes avant d’entamer la téléconsultation. Lors de la téléconsultation, le médecin, l’infirmier et le patient se voient et interagissent mutuellement, et en fonction des besoins de la spécialité et de la pathologie le médecin demandera, à titre d’exemple, d’ausculter le patient. Dans ce cas, l’infirmier sur site positionnera un stéthoscope électronique spécial sur le patient et le médecin de l’autre côté aura un retour sur son rythme cardiaque par exemple. Ce que je voudrais préciser, c’est que tous ces gestes se font dans les règles de l’art avec des machines dédiées qui sont certifiées de classe médicale.
- Quelles sont les zones que vous couvrez actuellement ? Comptez-vous élargir le projet sur d’autres régions ?
Aujourd’hui nous couvrons 14 zones qui sont réparties sur tout le Maroc, et l’objectif, comme expliqué, est de pouvoir couvrir d’ici 2025 les 123 communes prioritaires. Nous avons commencé, il y a à peu près deux ans, par équiper 8 sites, et durant le mois de novembre 2021, nous avons couvert 6 sites supplémentaires ce qui nous fait un total de 14 sites. C’est donc un déploiement qui se fait de manière progressive
- Après trois ans du lancement de ce projet, quelle analyse portez-vous sur les résultats obtenus ?
Nous avons été agréablement surpris par l’adhésion de la population mais aussi du corps paramédical sur place et du corps médical de l’UM6SS. Par contre, ce qu’on peut déplorer c’est que nous n’avons pas le même degré d’adhésion de la part de toutes les populations. Il y a certains sites qui marchent très bien et d’autres un peu moins, ce qui nous emmène de temps en temps à se rendre sur place afin de pouvoir repérer les anomalies. Par ailleurs, nous avons remarqué que 80% des consultations à distance suffisent pour poser un diagnostic et traiter le patient, ce qui est extrêmement important puisque la majorité des patients n’ont plus besoin de se rendre sur d’autres site pour compléter leur prise en charge.